Stupéfaite ! C’est toute la capitale du Haut-Jura, berceau de la pipe de bruyère, qui était abasourdie en apprenant le décès du Paul, le célèbre Paul Lanier, mondialement connu pour ses pipes d’une merveilleuse facture.
Né il y a 84 ans à Pierre de Bresse en Saône et Loire, le Paul, comme l’on dit ici amicalement à Saint-Claude, est très vite attiré par la sculpture sur bois. A l’âge de 15 ans, il commence sa formation et obtient son CAP de sculpteur de bois sur meubles à 18 ans. A cette occasion, son père lui offre un ensemble d’outils, les mêmes outils qu’il utilisera au fil des ans pour toutes les pipes qu’il a sculptées.
Passionné d’aviation, c’est dans l’armée de l’air qu’il effectue son service militaire pendant la guerre d’Indochine, cette passion ne le quittera jamais et souvent, au bruit d’un moteur, levant les yeux, les sanclaudiens pouvaient apercevoir le Stamp biplan de Paul faire quelques figures plus ou moins autorisées dans le ciel Haut-jurassien.
Mais c’est pour, une autre de ses grandes passions, le Rugby, que Paul Lanier arrive à Saint-Claude en 1953, recruté comme demi de mêlée dans l’équipe locale, au temps de sa grande époque. Hélas une grave blessure au genou le privera de ce sport, mais il en restera toujours un fervent supporteur.
Ce sport n’étant pas encore professionnel et la ville n’ayant pas de fabrique de meubles, c’est chez Raymond Monneret, fabricant d’articles pour fumeurs qu’il reprend ses outils tout en se familiarisant avec la pipe chez Epely, avant de créer son propre atelier, rue Christin en 1955. C’est là qu’il se met vraiment à travailler la pipe, pour Butz Choquin, mais dans son atelier, les finitions étaient réalisées à l’usine car Paul était avant tout artisan sculpteur indépendant. Un art qu’il bonifiera au fil des années et de ses multiples sujets. Fait rare, il est le seul pipier à obtenir 2 fois le Titre d’un des « Meilleurs Ouvrier de France », en 1991 dans la catégorie sculpteur sur pipe et en 1994 dans la catégorie tourneur sur pipe. Une grande partie de ses œuvres exceptionnelles est exposée au Musée sanclaudien de la pipe et du diamant.
En 1983, depuis longtemps membre de la Confrérie des Maîtres Pipiers, il remplace Denis Vincent qui jusqu’à lors sculptait la pipe à l’effigie du premier fumeur de France chaque année. C’est alors lui qui est chargé d’immortaliser dans la bruyère la tête des hommes célèbres, tous étonnés et ravis du résultat fantastique des trois semaines de travail que cela demande. Paul Lanier a également participé à de nombreuses expositions à Paris, Tokyo, Amsterdam, Wiesbaden, Rastadt, Rottenburg, Genève... et souvent, on pouvait l'admirer en train de fabriquer les pipes sur place dans un mini atelier improvisé.
L’heure de la retraite arrivée, Paul, homme de partage, membre de l’association Arts plastiques du Haut-Jura, aimait à se rendre dans l’atelier qui porte son nom afin de faire bénéficier de son savoir-faire et transmettre sa bonne humeur aux petits comme aux grands.
Avec sa disparition, Saint-Claude est triste, le monde pipier et celui des arts ont perdu un grand Monsieur. Ses amis étaient très nombreux mardi pour lui rendre un dernier hommage.
Pierre RICHARD (secrétaire de la Confrérie)